Grandeur et servitude de l’aviation de Maurice Bourdet (1933)

Grandeur et servitude de l’aviation de Maurice Bourdet (1933)

Antoine de Saint-Exupéry est chargé pour la seconde fois de préfacer un ouvrage sur l’aviation. Il s’agit deGrandeur et servitude de l’aviation de Maurice Bourdet. L’auteur décrit le monde de l’aviation au début des années 1930. Dans sa préface, Saint-Exupéry expose les valeurs du métier de pilote. Certains thèmes sont voisins de ceux abordés dans sa préface au livre de José Le Boucher : Le destin de Joseph-Marie Le Brix.

 

Le livre de Maurice Bourdet est publié en 1933 par les Éditions Corrêa. Le titre est emprunté à l’écrivain Alfred de Vigny, auteur de Servitude et grandeur militaire (1835). Dans son récit, Vigny décrit la condition militaire avec une humanité profonde et une pitié fraternelle. Lepropos de Maurice Bourdet est tout autre. Son livre offre une vue d’ensemble de l’aviation au début des années 1930. Il dresse un portrait des pionniers, décrit l’apprentissage du pilote et les différentes facettes du métier ; pilotes de lignes, pilotes de raids,  pilotes d’essai, pilotes militaires, et aussi les touristes de l’air. Il recense les grandes compagnies aériennes, comme l’Aéropostale qui a employé Saint-Exupéry de 1926 à 1932, la Cidna et La Luft-Hansa. Il présente les aérodromes dont celui de Villacoublay où Saint-Exupéry s’est exercé pendant son service militaire. Il dépeint aussi les atmosphères, comme la popote des ailes tenue par la mère Puyade à Viroflay. Saint-Exupéry s’y rendait avec Mermoz, Guillaumet, Reine et bien d’autres camarades de l’Aéropostale.

 

Entre 1932 et 1935, Saint-Exupéry publie plusieurs articles sur l’aviation dans Marianne. Dans un article paru le 28 février 1934, il s’inspire de Maurice Bourdet et titre « Servitude et grandeur de l’aviation ».

RESUME

Pour présenter l’ouvrage de Maurice Bourdet, Antoine de Saint-Exupéry rappelle les valeurs du métier de pilote. Dés les premières lignes de sa préface, il plonge le lecteur dans le cockpit d’un avion en direction de Casablanca. Il est deux heure du matin. Plongé dans la nuit, le pilote navigue avec les étoiles, les instruments de bord étant inexistants. L’avion fait prendre de la hauteur. Vu du ciel, les soucis sans importance sont effacés et les soucis graves émergent seuls.

 

Puis il s’emploie à dire en quelques mots, l’essentiel des grandeurs et misères du métier : les « les fortes joies de l’arrivée une fois la tempête franchie », les pannes dans un univers hostile, la noblesse du danger, le courage véritable…. Mais, le plus important c’est que le pilote  « installé dans la nuit […] est retrempé dans l’essentiel ». Au lever du soleil, en découvrant cette fontaine de lumière, « il surprend le jour dans son origine » et retrouve sa sagesse paysanne, celle des sentiments élémentaires. Continuellement en danger de mort, le pilote est délivré des soucis ordinaires, « il se sent pur et hors d’atteinte », il va à l’essentiel, il goûte la joie toute simple d’être encore en vie. L’essentiel est le point de vue auxquels ces événements nous élèvent.

CITATIONS

Beaucoup de camarades, dont on a plus rien su, se sont enfoncés dans la mort comme dans les neiges.

 

Au milieu de divinités élémentaires, guidé par une morale simple, le pilote de ligne  rejoint la sagesse paysanne.

 

Tous ceux dont le métier approche la vie et la mort y gagnent la même sagesse.

 

Il goûte simplement, si la nuit fut mauvaise, la joie de vivre.

 

Oui, il y a les misères du métier, et qui peut-être aussi le font aimer.

 

L’essentiel ? Ce ne sont peut-être ni les fortes joies du métier, ni ses misères, ni le danger, mais le point de vue auquel ils élèvent. 

 

BIBLIOGRAPHIE

Antoine de Saint-Exupéry :Servitude et grandeur de l’aviation,dans Marianne n°71, 28 février 1934

 

Antoine de Saint-Exupéry :Un sens à la vie, NRF, Gallimard, 1956, p. 243

 

Saint-Exupéry : Œuvres complètes I, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, p. 430.

 

Réal Ouellet : Les relations humaines dans l’œuvre de Saint-Exupéry, Lettres modernes, 1971

 

Serge Losic : L’idéal humain de Saint-Exupéry, A. G. Nizet, 1965

 

Maja Destrem, Saint-Ex, Éditions Paris-Match, Collection Les Géants, 1974