Yvonne de Lestrange (1892 – 1981)

Yvonne de Lestrange (1892 – 1981)

Cousine éloignée de sa mère, Yvonne de Lestrange loge Antoine lorsqu’il arrive à Paris pour préparer l’entrée à l’École Navale. Elle aime réunir dans son salon parisien, à son château de Chitré et dans sa villa de la Côte d’Azur, les personnalités les plus prestigieuses. Antoine croise des célébrités qui lui montrent de la bienveillance, ainsi il envisage pour la première fois une carrière littéraire.

 

« Yvonne est fantasque… [écrit Antoine dans une de ses lettres à sa mère] Elle est exquise, on ne s’ennuie pas une seconde avec elle, elle explique les jolies choses de Paris – que c’est un bonheur. Elle a des idées, elle s’intéresse à tout, aux math comme au reste – bref, c’est la perfection »

 

Yvonne trouve en Antoine un partenaire amusant pour ses promenades et ses sorties à l’opéra, au théâtre et dans les expositions. Elle sait qu’il n’a pas un sou, qu’il ne mange pas toujours à sa faim et l’invite souvent au restaurant. Il lui lit quelques poèmes qu’elle juge médiocres et trop sentimentaux, mais l’encourage à persévérer. Elle lui ouvre des horizons intellectuels et constate à quel point son enseignement est efficace. Le petit provincial mal dégourdi est rapidement transformé en un parfait représentant de l’intelligentzia parisienne. Son influence sur ce jeune homme brillant et doué lui donne un sentiment de pouvoir et de réussite, et elle s’emploie à le lancer dans le monde des lettres.

 

Inscrit aux Beaux Arts (qui pourrait le préparer, après l’échec à Navale, à la carrière d’architecte souhaitée pas sa mère), Antoine occupe une chambre attenante à l’appartement de sa cousine. D’ascendance aristocratique et devenue duchesse de Trévise par son mariage, Yvonne mène une vie au-dessus des conventions de sa classe sociale (ce qui rend sa mère très réticente à l’égard de sa cousine dont elle craint la mauvaise influence sur son fils). N’ayant aucune velléité littéraire, elle aime cependant les écrivains et les hommes de lettres qu’elle accueille volontiers chez elle, son appartement étant à deux pas de la Nouvelle Revue Française et des Éditions Gallimard.

 

À son retour de Cap Juby, Antoine est hébergé de nouveau chez Yvonne à qui il montre ses épreuves de Courrier Sud. Elle demande à André Gide et à Léon-Paul Fargue de les lire et d’apporter des suggestions, ce qu’ils font de bonne grâce. Lors d’un dîner qui réunit AndréGide, Jean Prévost et Jean Paulhan, elle établit avec eux une véritable stratégie pour que la presse accueille favorablement le roman.

 

Quelques mois après son mariage, Antoine vient à Paris recevoir le Prix Femina pour Vol de nuit. Il voit Yvonne mais son rôle est devenu moins important, remplacée par une autre femme d’influence, Nelly de Vogüé. Lorsque l’on est sans nouvelles d’Antoine lors du raid Paris-Saigon de 1936, Yvonne est aux côtés de Consuelo pour la soutenir, d’autres préférant se regrouper autour de Nelly de Vogüé. Yvonne restera une amie fidèle de Consuelo qui trouve chez elle un refuge dans les moments difficiles que le couple traverse. À son tour, Antoine fait plusieurs séjours à Chitré ou dans sa villa de la Côte d’Azur. Il la voit une dernière fois en décembre 1940, avant son départ pour les États-Unis.

 

En 1948, Yvonne de Lestrange participe avec Henry de Ségogne, André Gide, Jean Schlumberger et François d’Agay, entre autres, à la création de l’Association des Amis de Saint-Exupéry.